Dès cette époque [années 20], l’idée me trottait par la tête de Souvenirs à rédiger : il aura fallu l’éclosion d’un monde nouveau à partir de 1940 pour me décider à tenter l’entreprise. Je me demandais dans quelle catégorie de mémorialistes me ranger. Je n’étais pas de ceux ayant accompli de grandes choses ; je n’avais pas gravité dans l’orbite de ceux les accomplissant ; je n’étais pas non plus de ceux qui ont compensé par leur propre génie la médiocrité des événements qu’ils vécurent. Mais au fond, me disais-je timidement, rapporter l’existence d’un soldat modeste, issu du peuple et demeuré près du peuple, avec ses sentiments et ses préjugés, ses élans et ses retenues ; donner une image de l’armée de son temps ; fournir des repères exacts sur la psychologie de cette importante sélection sociale que représente le corps des officiers de carrière ; être le témoin fidèle de ce que d’autres ont fait, dit ou pensé ; n’y a-t-il pas là de quoi tenter les facultés d’observation et (n’ai-je pas le droit de le dire après Foch ?) cet esprit philosophique volontiers amer, mordant, incisif, pessimiste en définitive que je sentais sourdre en moi ? Écrire ses Souvenirs, c’est, a dit Goethe, « lutter par l’écriture contre la destruction incessante de la vie ». Au surplus, écrivain médiocre et conscient de mon humilité, je me fortifierai de la parole de l’Imitation : « Il est plus avantageux d’avoir peu de talents qu’un grand mérite qui donne de l’orgueil.
Joseph Fortuné Revol (1874-1973)
Saint-Cyr, promotion du Siam (1892-1894)
Breveté d’état-major (1905)
Attaché auprès du GQG italien (1915)
Attaché militaire adjoint à Athènes (1917)
Commandant du 99e RI de Lyon (1927-1929)
Général de brigade, gouverneur de Briançon (1931)
Commandeur de la Légion d’honneur