La philatélie hellénique est riche en paradoxes. Les timbres sont splendides, dessinés, gravés par Jacques Jean Barre, celui-là même qui dessina et grava les timbres français. Barre les fit imprimer par des planches fabriquées suivant une technique qu’il avait mise au point. On connaît tous les détails de cette fabrication à Paris. Les planches et les timbres commandés furent envoyés à Athènes et ont servi pendant plus de quinze ans …Mais on ignore quasiment tout des dates et chiffres de tirage de timbres, on ne dispose que d’informations éparses sur l’organisation postale, les tarifs ; les archives de la Poste hellénique sont dispersées ou pas consultables. Il a fallu environ quatre ans à Michèle Chauvet pour publier cet ouvrage. Auparavant près de deux années ont été consacrées à la recherche de documentation. D’abord les ouvrages parus sur le sujet, puis les textes officiels ; tous. Pas seulement les conventions postales, les lois ou les décrets mais aussi les circulaires postales d’application qui sont souvent les documents les plus importants ; sa collection s’est élaborée au fur et à mesure de ses recherches. C’est ainsi qu’elle a toujours pratiqué.Mais cette fois ce fut beaucoup plus compliqué ; le centre des Archives d’État ne conserve, pour la période étudiée, que de textes épars et pour l’instant inaccessibles. Les circulaires dispersées qui subsistent sont rédigées dans la langue épurée du XIXème siècle, la katharévoussa, ce qui n’en facilite pas la lecture. Mais grâce au dévouement d’amis philatélistes grecs, certaines des circulaires dispersées ont pu être transmises à l’auteur et traduites. Heureusement certains textes, comme les conventions postales signées par la Grèce sont bilingues la deuxième langue employée étant le français, langue universelle à cette époque, et toutes sont accessibles car publiées dans le « Journal Officiel » de Grèce.
Cet ouvrage s’appuie également sur des lettres qui sont commentées, expliquées. Comme le mentionne Michèle Chauvet dans son avant-propos : « Ce livre est certes très imparfait, mais j’aurais tant aimé l’avoir avant d’acquérir ma première lettre de Grèce… ». Pour faire une collection un peu spécialisée, il existe deux méthodes. Soit acheter ce qui passe dans les ventes, avertir quelques négociants de ses souhaits et attendre patiemment. Ou, comme le font certains, et en particulier l’auteur de ce livre, commencer par réunir de la documentation : livres parus sur le sujet, articles dans le presse philatélique, catalogues d’anciennes ventes spécialisées etc. et ne commencer les achats qu’après cette démarche. Les deux méthodes ne donnent pas le même résultat, loin s’en faut ! Tous les philatélistes qui construisent ainsi une collection spécialisée n’écrivent pas un livre, parfois ils se contentent de reproduire les feuilles qu’ils ont exposées et qui leur ont valu des médailles, cela les flatte, cela permet d’en conserver une trace avant sa dispersion et c’est déjà bien pour les collectionneurs intéressés par le sujet. D’autres privilégient le partage des connaissances pour que les fruits de leur travail profitent aux autres collectionneurs. Vous avez entre les mains le résultat de recherches, d’études et d’analyses poussées qui n’ont jamais été effectuées auparavant. Ces recherches sont étayées par une collection récompensée au niveau international. Si vous vous intéressez à ce sujet, cet ouvrage vous est indispensable. Si vous voulez seulement découvrir une histoire postale originale, avec ses particularités : les timbres-poste servent également de timbre-taxe, l’affranchissement peut être total, partiel, facultatif ou obligatoire, des acheminements via plusieurs voies et plusieurs offices étrangers, des combinaisons multicolores d’affranchissements et de taxes comme il n’en existe nulle part ailleurs, alors vous aimerez ce livre.
Jean-François Brun