– Qui êtes-vous Sergueï ?
– Un vieux jeune homme qui n’a jamais baissé son froc devant l’univers médiatique, quoi qu’il ait pu m’en coûter. J’ai passé mon agrégation du secondaire en 1981 (en sciences sociales : économie, sociologie, sciences politiques) loin du népotisme de l’université française, laquelle n’en finit pas de sombrer aujourd’hui. Après une vingtaine d’ouvrages longuement mûris, durant une carrière bien remplie de professeur, et écrits dans le souterrain à l’abri des radars du politico-correct français, je sors aujourd’hui un livre qui résume deux ans d’interventions sur mes audioblogs Arte Radio (VIP Radio Online, rubrique géopolitique).
– Bref vous êtes un vénérable schnock amer et dépassé ?
– OK pour vieux schnock, mais en avance plutôt que dépassé ! Mes analyses se sont toujours révélées judicieuses (Oh, I’m so sorry ! Ce n’est pas in the mood). Je suis effondré de voir le degré de nullité des commentateurs des chaînes mainstream à propos de la guerre d’Ukraine. Ils sont achetés, me dit-on ! Achetés par qui et pour dire quoi ? Non, c’est plus compliqué et plus grave : ils sont majoritairement honnêtes, mais idéologiquement manipulés par les think tanks américains qui leurs fournissent commentaires et éléments de langage en prêt à penser…
– Expliquez-vous plus clairement !
– Eh bien le point de départ de ma recherche était en fait un article consacré aux relations entre la France, la Russie, et l’Occident. Après la Seconde Guerre nous avons adoré l’Amérique dont les boys étaient venus mourir sur les plages de Normandie pour nous libérer des nazis : elle nous a apporté le rock, le Coca-Cola et le rêve de l’American way of life. Et puis à la fin des sixties nous avons brûlé avec les hippies le drapeau US à cause de la guerre du Vietnam et de l’exploitation capitaliste. Ce n’est qu’en 1980 que Reagan est arrivé disant « America is back »… Et nous avons pris au tournant du 21e siècle (tant la classe politique que l’opinion publique) un virage atlantiste très difficile à expliquer !J’ai fini par comprendre que c’était fondamentalement lié à l’émergence d’un « softpower » des USA, bref que les Américains avaient pris pour eux-mêmes le relais de la propagande soviétique tout en l’améliorant beaucoup…
– Mais enfin si c’était le cas, on le saurait : en France la parole n’est-elle pas libre ?
– Allons, allons ! Je ne suis pas le seul à être arrivé à ces conclusions : pensez par exemple au titre génial de Pierre Conesa: « Vendre la guerre, le complexe militaro-intellectuel », lui non plus n’est pas un cas isolé, cf. les Baud, Mettan, Galactéros et autres Henri Guaino, mais on en parle peu ! La liberté de parole, et plus généralement la qualité de la démocratie sont moindres chez nous qu’aux USA voire même sur certains points qu’en Russie, hélas ! Oh ce n’est pas propre à la France, c’est toute l’Union européenne qui a plongé dans un totalitarisme de la pensée, celui-là même que craignait Alexis de Tocqueville, peut-être moins connu que George Orwell mais tout aussi doué !
– Donc finalement vous êtes un complotiste ?
– Pas du tout, le complotisme c’est l’explication facile de ceux qui ne savent pas expliquer l’histoire, laquelle est compliquée ! C’est L’ADN des USA (au demeurant je les aime bien) de penser que Dieu les a formés pour conduire le monde vers les vertes prairies du paradis sur Terre (et ce depuis leur naissance avec l’épopée du Mayflower en 1620). Simplement leur impérialisme congénital était resté en retrait avec la guerre froide. Depuis la chute de l’URSS il se déploie librement avec les guerres d’agression de G. W. Bush et ses révolutions de couleurs, puis avec Obama et la transformation du Maïdan en putsch de la CIA pour installer un régime policier à la place de la démocratie à Kiev, et enfin avec Biden, le faucon magnifique, qui met en place le piège ourdi par la Rand Corporation de 2019. Pour comprendre la guerre d’Ukraine, il faut remonter au minimum à Reagan… C’est ce que je vous propose en entrant « dans la tête de l’Oncle Sam ».